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11/06/2011

Le pouvoir et l'autorité

Il est important de distinguer le pouvoir et l'autorité, car ces deux notions sont complémentaires. Ces notions sont fascinantes, car elles conditionnent grandement les relations entre les individus au sein d'une société ou d'une communauté d'individus. Le pouvoir sans l'autorité n'est que violence. Je vais montrer comment, en pratique, le pouvoir sans l'autorité, devient dans l'entreprise dans laquelle je travaille.

Le pouvoir est l'action qu'on peut exiger en contrepartie d'une récompense, ou sous forme de reconnaissance ou d'avantages. Le pouvoir c'est aussi la possibilité de sanctionner. Dans une entreprise, le plus souvent, les pénalité comme les récompenses sont financières. Le pouvoir c'est la possibilité de recompenser ou de punir, quelle que soit la cause qui le motive, indépendamment de toute justice ou sentiment.

L'autorité c'est la faculté de demander à quelqu'un un service, sans que celui qui l'effectue ne soit puni ou récompensé. Dans l'autorité il n'y a pas de menace ou d'intérêt. L'autorité sollicite le consentement, l'adhésion, le geste gratuit, la morale. L'autorité est donc juste et elle implique des sentiments. 

L'entreprise dans laquelle je travaille, change, le management aussi. Sous prétexte d'efficacité, d'adaptation, un nouveau discours est apparue, une nouvelle attitude managériale, une nouvelle culture est apparue. 

L'acivité syndicale que j'ai mené ces trois dernières années, m'a amené à côtoyer de près les chefs de centres qui se sont succédés dans l'établissement, j'ai écouté attentivement les discours servis à mes collègues facteurs comme moi.

Bien souvent, le discours de la direction est culpabilisant, humiliant ou rabaissant, déshumanisant. Jusqu'à il y a quelques années, l'attitude d'un chef de centre au niveau managériale était neutre, il se contentait de nous présenter les attentes de la direction départementale ou nationale, puis les syndicats prenaient la parole, argumentaient, sans que la direction ne répondent. En cas de grève, les chefs de centre attendaient que les facteurs arrêtent la grève, ou que la direction départementale cède aux revendications. Les chefs de centre ne disposaient ni du pouvoir qui appartenait à l'état, ni de l'autorité qui appartenait aux syndicats.

Aujourd'hui les choses ont bien changés. Le chef de centre a le pouvoir de sélectionner, de titulariser, de promouvoir les personnes de son choix. Il a acquis du pouvoir. La direction départementale et nationale aussi, c'est maintenant elle qui détermine les choix économiques de l'entreprise. IL y a eu un transfert important de pouvoir, des hommes politiques, aux cadres de l'entreprise. Mais le pouvoir ne leur suffisant pas, ces cadres cherchent à obtenir l'autorité.

Les chefs de centres prènent régulièrement la parole, nous demandant de nous réunir pour les écouter. Ils avancent des arguments pour informer, mais aussi pour convaincre du bien fondé des changements qu'ils souhaitent mettre en oeuvre. Avec face à eux des syndicats qui prononcent des discours délirants et irrésponsables, ils ont vite fait de prendre l'ascendant moral sur les facteurs. Ainsi, disposant tout à la fois du pouvoir et de l'autorité, j'ai vu des chefs faire et dire n'importe quoi. Devant ces exés, j'ai décidé il y a trois ans de réagir, de prendre la parole devant les collègues, tout comme le font les syndicats ou les chefs de centre.

Comme je tiens un discours réaliste et crédible, j'ai impressionné les collègues, mais surtout je leur ai donné confiance, je leur ai proposé des actions, dans lesquels ils pouvaient prendre leur responsabilité pour eux, au lieu de l'abandonner aux syndicats ou à la direction. Ainsi sans grève ni dysfonctionnement majeur, on a mené une action syndicale efficace. Les collègues ont refusé de faire des heures supplémentaires non rémunérées(refus de la double sécabilité), suite à la trahison de la direction et des syndicats, qui ont refusé d'un commun accord de mettre en place la négociation qu'ils avaient signé. J'ai donc redonné confiance et fièreté à mes collègues facteurs. 

C'était il y a un an. Depuis, trois chefs de centre se sont succédés, la direction départementale cherchant visiblement à reprendre le bureau en main. Les deux premiers tenaient habillement le discours culpabilisant pour les facteur, de la direction. Mais j'ai montré à mes collègues facteurs, toutes les failles, les manquements, les insuffisances et les mensonges qui accompagnaient ces discours.

Voyant cela, la direction a dépéché un troisième chef de centre, en multipliant par deux le nombre de ses collaborateur. De plus ce dernier a selectionné les collaborateur de son choix; ce qui ne s'était encore jamais produit dans l'établissement. Au lieu de mettre en oeuvre, l'accord que la direction avait elle même signée, et qui était moins coûteux financièrement; ils ont préférer la réponse autoritaire. Les quelques postes de facteurs remplaçants qui manquaient pour que les collègues puissent poser leur congé sans difficultés coûtaient moins chers que les cadres supplémentaires embauchés. L'égalisation des tournées, en prenant en compte le temps réel de travail effectué par les facteurs ne demandait aucun budget ni autorisation pour être mis en oeuvre, pourtant ça n'a pas non plus été mis en place.

Ce nouveaux chef, flanqués de plus de collaborateurs plus agressifs, communiquait mieux. Mais ce n'était toutefois pas suffisant. Alors que faire ? Moi de mon coté, j'avais réduit mes prétentions syndicales à une seule revendication qui ne coûtait pas d'argent(égalisation des quartiers par le temps de travail). Cette revendication était facile à satisfaire, elle pouvait être mise en place rapidement, gratuitement et avec efficacité. Je proposais en contrepartie ma coopération au chef de centre pour qu'il puisse faire la réorganisation qu'il souhaitait, avec suppression d'emploi. Mais il a refusé. Il avait décidé qu'il n'y avait rien à négocier, ni rien à changer dans son management. Pour ce faire il avait même l'accord des deux syndicats qui sont venus à ses réunions.

Mais comme j'étais toujours contre ses méthodes, je suis devenu encombrant pour lui. Je disposais d'une forme d'autorité par la confiance que j'inspirais à mes collègues, et le chef de centre refusait toutes mes demandes. Lorsque j'ai pris la parole publiquement pour parler des problèmes que posait sa façon de diriger la réorganisation qu'il préparait, j'ai été intérompu par trois collègues. L'un deux a tenu des propos et une attitude particulièrement hostile et menaçant à mon étgard. A la suite de leur intervention, le chef de centre vient me voir pour critiquer mon discours. Aucun des deux chefs de centres qui s'étaient succédé ne s'étaient permis de me faire une remarque. C'est un comportement qui visait à m'intimider. Les collègues qui m'on empéché de faire mon discours n'ont pas été sanctionnés, pourtant ils n'ont pas respecté le droit syndicale, la liberté syndicale, qui permet à un adhérant de se prononcer sur les problèmes syndicaux de l'entreprise. Non  seulement ces collègues n'ont pas été inquiété par le chef de centre, mais celui qui avait été le plus loin dans l'agressivité à mon égard a été récompensé d'une promotion. Le problème du chef de centre n'est pas comme il le prétend de faire une réorganisation pour améliorer l'efficacité de l'entreprise, puisque je lui proposais mon aide pour la faire plus facilement, mais un problème d'autorité : il ne souffre aucune contradiction de la part d'un facteur. Et s'il lui faut pour cela piétiner la loi sur la liberté syndicale, il n'a eu aucun scrupule à le faire.

Echaudé par cet échauffouré, je ne prends plus sur mon initiative la parole publiquement, mais je profite des réunions organisées par le chef de centrer pour continuer d'affirmer et d'affiner ma position. Le résultat n'a pas tardé, la direction départementale m'a supprimée une journée de salaire prétextant que j'avais fait grève alors que ce n'était pas le cas. Le chef d'équipe m'a laissé entendre que j'allais perdre une semaine de vacances. Pour les autres collègues de l'établissement à qui la direction ne leur a pas octroyé de vacances, ils créditent d'autant de jours un compte épargne temps, ce qui ne fait que remettre à plus tard leur congés. Mais pour ce qui me concerne il semblerait d'après le chef d'équipe qu'il y ait un problème technique pour basculer mes jours de congés qu'il refuse de m'accorder, sur le compte épargne temps. Le préjudice s'avère donc de 58 euros et de 6 jours de congés.

Moi j'appelle ce comportement, mensonger, intimidant, menaçant, tout à la fois de la direction départementale, du chef de centre et du chef d'équipe, de l'agression morale.

Comme je suis un peu fatigué de faire du syndicalisme sans ou contre les syndicats et que je vais être bientôt muté dans une autre ville, je m'en fiche un peu. Je crains que le harcèlement moral au bureau, dans les mois qui viennent, devienne une réalité banale.

01/04/2011

prime annuelle

Un matin, le chef de centre nous convoque pour nous parler de la prime annuelle.

Une moitié de la prime s'obtient en satisfaisant à des exigences définies au niveau national, l'autre moitié par des exigences locales. Pour la toucher (jusqu'à 400 euros), il faut réaliser entre -30% et -20% de réclamation par rapport à l'année précédante. Pour percevoir jusqu'à 300 euros il faut réaliser entre -20 et -10% de réclamation par rapport à l'année précédente. Si la baisse des réclamations n'atteint pas 10%, la prime est plafonnée à 200 euros. Ces objectifs de qualité sont des objectifs nationaux. A ceux-ci s'ajoutent des objectifs locaux.

Le nombre de réclamations du bureau, car c'est de cela qu'il s'agit, et non pas du nombre de réclamations par facteur, dépend d'abord de la qualité des facteurs remplaçants, de la façon dont ils sont selectionnés, formés et aidés. Mais on peut légitimement penser que certains facteurs titulaires et expériementés produisent plus de réclamations que d'autres. Pour le savoir, il faudrait avoir accès à ces données, et lever l'anonymat; mais le seul chiffre que nous donne le chef de centre c'est le nombre total de réclamations dont a fait l'objet le bureau. La direction ne nous donne pas ces chiffres; qui de plus poseraient des problèmes. Peut-on rendre public de telles données sans stigmatiser les facteurs concernés ? Est-ce légal ? C'est questions, ne sont pas abordées par le chef de centre.

Si de plus on veut faire vraiment baisser le nombre de réclamations, il faudrait que ces facteurs qui produisent plus de réclamations que les autres, reçoivent une formation pour s'améliorer. Le chef de centre n'évoque pas cette solution. Dans le cas où le facteur n'améliore pas sa qualité de travail malgré la formation, il faudrait lui proposer un reclassement dans l'entreprise pour un autre poste dans lequel il pourrait développer des compétences, ou lui donner les moyens de quitter l'entreprise dans de bonnes conditions. Ces questions ne sont pas évoquées par le chef de centre.

Pour toucher la prime complète il faut aussi atteindre des objectifs d'assiduité. Là aussi, des objectifs tout aussi irréaliables(-30% par an, sans aucun moyen, ni formation, ni reclassement). Et la aussi, aucun des moyens à mettre en oeuvre n'est évoqué par le chef de centre.

Cette réunion signifie le mépris de la direction nationale envers les facteurs, d'agiter sous leur nez des objectifs qu'ils n'attendront pas; et une prime qu'ils ne toucheront bientôt pas. Les facteurs devant cette situation peuvent penser deux choses; ou bien, ils en viennent à se dévaloriser, à croire qu'ils ne sont pas assez compétents ou performants, ou bien ils pensent que leurs chefs sont incompétents et manquent de performance. Dans les deux cas, chacun ne peut que cultiver le pessimisme, le ressentiment, l'amertume. Les cadres de la poste, entretiennent donc une culture mortifère et pessimiste. Aidés en cela par des syndicats irrésponsables, qui agressent autant les facteurs que la direction, sans amener des solutions porteuses d'avenir, de confiance, de respect, d'optimisme.

Objectifs locaux; le chef de centre insiste pour dire qu'il les a choisi pour qu'ils soient vérifiables, observables...et donc incontestables ! Sans toutefois dire en quoi consiste ses critère, ni nous donner un droit opposable en cas de désaccord sur son appréciation. Une fois de plus la réunion à laquelle je viens d'assister me montre le mépris de la direction pour moi, pour mes collègues facteurs.

Que disent les syndicats ? Ils disent que le sort des primes à la poste c'est de disparaître; ils disent que l'objectif de la poste c'est d'augmenter les profits. Ce n'est pas faux, mais ils n'expliquent pas la douleur que ça provoque pour les facteurs. Certains syndicats prennent position pour amener les facteurs à signer des négociations avec la direction. Des négociations qui n'en sont pas, puisque une fois l'accord signé, la direction ne respecte pas, bien souvent, les engagements qu'elle a pris pendant la négociation. Ou bien d'autres syndicats poussent les facteurs à se mettre en grève contre la direction; ce qui ne sert pas à grand chose, car la direction refuse la plupart du temps, de céder en cas de conflit.

Nouveaux management depuis une dizaine d'années, qui ne vise qu'une chose : l'autorité; tout en affichant comme un étendart un discours dans lequel elle serait à la recherche de performance économique. Les syndicats de leur côté n'accompagnent pas les facteurs dans leurs difficultés, mais essaient de les utiliser pour ou contre la direction, dans une espèce de guerre sociale. La direction comme les syndicats essaient d'utiliser les facteurs comme un moyen, jamais comme une fin. La déshumanisation est là.

Le syndicalisme, je le crois c'est reconstruire perpétuellement le lien qui se désagrège entre travailleurs. Si je devais mener une action syndicale sur le thème ci-dessus cité, je proposerais aux collègues de cotiser quelques euros pour envoyer un bouquet de fleurs au chef de centre, un pour le directeur départemental, et un pour le directeur national, puis d'y joindre un mot de chacun des collègues facteur. Le but étant de dire pourquoi chacun se sent mauvais professionnellement, ou bien pourquoi chacun perçoit la direction comme déficiente. C'est mettre des mots sur des maux. C'est un mouvement de réhumanisation.

 

02/03/2011

stage syndical

Dans le but d'être plus actif au niveau syndical, je m'inscris à  un stage syndical. C'était, il y a presque un an; j'étais enthousiaste pour l'activité syndicale et je voulais faire cette formation rapidement, pour me permettre d'acquérir plus de compétence. Depuis, le temps a passé, mon enthousiasme est retombé. Néanmoins, une fois que je reçois enfin cette convocation; même si il est trop tard, et après hésitation; je décide de m'y rendre. L'intitulé de la formation est : négociation.

Pour débuter, chacun des participants présent est invité à dire son attente et son vécu. Plusieurs en viennent à dire qu'ils négocient avec leur conjoint ou bien leur enfant adolescent; d'autres constatent qu'ils n'ont jamais négocié à la Poste, même s' ils ont participé à des réunions de concertation avec syndicats et direction. Moi aussi, bien qu'ayant participé à plusieurs réunion ou confrontation, entre syndicat et direction, je n'ai pas eu le sentiment qu'il y ait eu négociation. En effet ou mes demandes sont refusées, ou bien après une promesse de la direction avec signature d'un accord; aucun effet n'en résulte; sauf ce qu'avait prévu la direction.A la lumière de ces témoignages, je me dit que négocier est un acte naturel, tout comme revendiquer ou manifester. On ne peut pas apprendre ce que l'on sait naturellement. Quel sens cela aurait-il d'apprendre le naturel ?

Ce que l'on peu dire du naturel ce sont deux choses : l'expérience, et la norme sociale qui s'y rattache. L'expérience, c'est la singularité du vécu, des ressentis. La norme sociale; c'est la façon concrète dont la négociation s'inscrit dans la société. Une fois qu'on a fait cette énumération, qu'on a décrit ces constats, il n'y a plus grand chose à dire, à penser, à apprendre. Je sais donc que pendant cette formation, je vais entendre parler de témoignages et de la norme sociale qui se rattache à l'activité syndicale, et rien d'autre. Il n'y a pas de concepts vraiment solides et complets qui permettent de s'approprier finiment ce qu'est; dans son essence; et non pas seulement dans son déroulement pratique,la négociation. Mais, bon, je ne viens pas à ce stage pour y apprendre quelque chose. Je ne serai donc pas déçu, tout au plus amusé, agacé, accablé ou indigné.

Les deux mots que j'entends souvent lors du stage; c'est "acteur" et "négocier". Je comprends donc que le métier de syndicaliste est un intermédiaire, entre le métier d'intermittent du spectacle, et celui de commerçant. Pourtant, il n'y a dans la salle, aucun commercial, ni aucun artiste de scène; et ne connais aucun permanent syndical qui ait eu ce parcours professionnel d'artiste ou commerçant. Si véritablement ces métiers étaient proches du métier syndical alors la plupart des syndicaliste commencerait par être vendeur ou comédien; or, ce n'est pas le cas. Alors, pourquoi ce vocabulaire ? Le malaise est là, il n'est pas seulement dans le vocabulaire, mais aussi dans les esprits ; la fréquentation des réunions syndicales, me l'a fait rencontrer à plusieurs reprises.

Il est un mot important dans l'action syndicale; c'est ce qu'on nomme : le collectif. Par là, on signifie, qu'un groupe d'individus, n'est pas seulement une collection hétéroclite d'individus, qui se cotoient dans l'indifférence et qui ont des intérêts, des opinions et des sensibilités différentes. Un collectif c'est un groupe qui partage un même but; capable de désigner des représentants, et porter des revendications.

Cette opération qui donne à un groupe un même objectif est la structuration. Comment structurer un groupe ? Voilà une question bien intéressante quand on veut faire du syndicalisme, plus qu'un passe temps ou une activité accidentelle. Car il ne peut y avoir action syndicale, sans groupe structuré, sans collectif. Le formateur propose cette définition que je trouve insupportable et tout à fait éronnée :" Dans l'action syndicale; il faut préciser les revendications, qui sont nécessaires pour structurer un collectif".

Voilà donc que la formation d'un collectif dépendrait de l'énonciation d'une revendication. Le propre de l'activité syndicale consisterait à poser des revendications. Il suffit donc d'être un peu inspiré, faire jouer son imagination, se laisser aller, ou délirer...et le tour est joué ! Avec un déroulement de l'action en la scène de théâtre(les acteurs) et l'épicerie(négocier). Je suis atérré d'entendre de tels propos. Je ne me demande pas comment il peut être possible que des formateurs qui font ce travail depuis plusieurs années peuvent commettre une faute aussi énorme: j'ai rencontré tant de fois ce discours chez d'autres syndicalistes qu'il ne m'étonne plus : c'est une norme sociale. Le syndicaliste français ne pense pas; ils se contente de ressembler aux autres syndicalistes.Mais je ne peux m'empêcher de dire ma conviction et mon agacement au formateur : "aucune revendication n'a jamais structuré un collectif; et porter une revendication ne définit pas le syndicalisme !".

Il est bien évident, que c'est l'inverse qui se passe : c'est parce que un collectif est structuré qu'il peut porter une revendication. C'est parce que la confiance régne entre les individus d'un groupe, qu'ils vont pouvoir s'exprimer et se mettre d'accord sur une revendication. Une revendication qui respectera chacun, qui motivera tout le monde. Et la revendication ne respectera chacun que parce que chacun dans le groupe respecte les autres. Et ce n'est possible que si un ensemble de valeurs est partagé par le groupe. Je précise donc au formateur que le liens entre les individus qui va permettre la structuration du groupe, c'est l'ensemble des valeurs que tous les individus du groupe partagent; ou tout au moins, d'une large majorité; et qui fait qu'au delà des différences d'opinion, de culture, de sensibilité, de sexe, d'âge et donc d'intérêt ou d'attente; on peut s'exprimer, s'écouter les uns les autres...et arriver à se mettre d'accord sur des revendications !

Sans cette démarche, la revendication, aussi intelligente, subtile, ou adéquate soit-elle, n'est source que de division au sein d'un groupe d'individus. Chacun prettera aux autres, de mauvaises intentions, des calculs sordides, des intérêts contradictoires. Chacun règlera des comptes personnels avec les autres. Beaucoup seront sous le coup de leur douleur, leur peur, leur frustration; et ne pourront de ce fait, être lucide. Le travail syndical est donc de faire émerger, au sein d'un groupe d'individus; la, ou les valeurs, que chaque membre du groupe peut partager. Et ce n'est pas facile; car cette, ou ces valeurs communes, ne sont pas accessible directement. Il est rare de voir un groupe d'individu qui se côtoient par hasard, se célébrer ou communier spontanément. Et s'ils le font, il n'y a pas lieu que ce soit nécessairement pour du syndicalisme. Je corrige donc les formateurs par ma remarque qu'ils ne comprennent pas. 

Plus tard pendant le stage, les formateurs disent ce que j'ai déjà entendu malheureusement de nombreuses fois en d'autres occasions, propos qui confirme le fossé(entre moi et les formateurs, mais aussi entre les employés et les syndicats), et qui me scandalise : "il faut, lorsqu'on fait du syndicalisme, et pour se faire comprendre des collègues, répéter inlassablement les valeurs du syndicat" ! 

Ce n'est pas aux travailleurs à adopter les valeurs du syndicat pour mener une action syndicale; c'est au syndicat d'adopter les valeurs des travailleurs pour créer une action syndicale. Le malheureux état d'esprit du syndicalisme français ne veut pas voir la distinction entre valeur et revendication; ni le prima de la première sur la seconde. Ce syndicalisme français qui en pensant et agissant ainsi, se rend détestable auprès de la majorité des travailleurs. Un syndicalisme qui n'inspire pas confiance, qui agite les esprit au lieu de conforter les individus. Un syndicalisme qui divise au lieu d'unir, qui agite au lieu de calmer, qui agace au lieu d'apaiser, qui agresse au lieu de conforter, qui gène au lieu d'aider, qui isole au lieu de réunir, et qui abandonne au lieu de partager, qui freine au lieu d'avancer, qui effraye au lieu de rassurrer, qui fatigue au lieu de motiver.

Une négociation doit être abordée avec des objectifs; déclare avec conviction le formateur. IL donne alors des conseils pour définir  et atteindre ces objectifs. Je suis navré d'entendre de tels propos, mais je ne suis pas étonné, parce qu'il ne fait que répéter le malheureux état d'esprit du syndicalisme français. Pour ma part, avoir un objectif, il me semble bien évident, que c'est exprimer une qualité humaine, qui s'appelle : ambition. L'objectif par le chiffre qu'il impose, enlève du sens, déshumanise, installe la compétition. La compétition, je ne le sais que trop, ne motive que les meilleurs, pas la masse. Ainsi, l'ambition est, pour le syndicaliste français, le moteur principal du syndicaliste ! Pour ma part, il me semble évident  que l'ambition est une qualité incompatible avec l'activité syndicale. Ce qu'il faut pour agir syndicalement, ce n'est pas de l'ambition; c'est de la compréhension; donc du sens. Il faut donner du sens à l'action syndicale proposée. Ce qu'il faut pour agir syndicalement, ce n'est pas un objectif qu'il faut définir, c'est un départ et un but.

Cette distinction peut sembler faible et peu significative, elle peut sembler insignifiante en ne portant que sur du vocabulaire; pourtant elle est importante. lorsqu'on a  défini un départ et un but, on trouve du sens à ce que l'on fait. Donner du sens à une action, à une démarche, voilà qui est mobilisateur pour un groupe, car c'est compréhensible, humain, rassurrant. Cette distinction s'enracine dans une conception philosophique plus générale. Pour le formateur comme pour les autres syndicalistes , le repère qu'ils utilisent pour faire du syncalisme, est non pas le sens, mais la norme.

Lorsqu'ils sont devant une situation difficile ou nouvelle, il vont se demander qu'elle est la norme sociale sur le point qui les occuppent, et ils vont se situer par rapport à cette norme. Mais la normativité ne permet que d'éviter la solitude en se rattachant en permanence à tel ou tel groupe d'individus. Cette démarche est le reflet d'une peur; celle d'être seul. La recherche permanente de sens qui m'occuppe a une autre source; celle de la peur de la folie. Car la folie est ce qui est insensé. En donnant du sens à chacune de mes actions, je m'assurre d'éviter la folie. Je m'assurre d'inspirer confiance chez mes collègues; confiance en moi, mais aussi en eux-même. Donner du sens, c'est pour chacun, améliorer l'estime de soi, et respecter plus facilement les autres. La peur de la solitude qui amène a rechercher la norme, amène trop facilement à la grégarité, à l'hallucination collective, à la folie collective. La norme est un repère intéressant qu'il faut manipuler avec prudence, ce que ne font pas les syndicats et les dirigeants de la poste qui; les uns comme les autres se réfèrent aux normes du groupe duquel ils se sentent solidaires. Ce mauvais marxisme n'est pas inéluctable; pour en sortir, il faut donner du sens.

Le but d'une action syndicale, bien souvent, est d'être reconnu. D'être reconnu comme un être humain, avec ses fragilités et ses limites, et pas seulement comme un pion, un rouage dans une machine, un objet utile et méprisé par la direction. Mais pour donner du sens, il ne suffit pas d'avoir un but, il faut aussi définir un point de départ. L'expérience m'a enseigné que la difficulté était là bien souvent : arriver à déterminer quel est le point de départ d'une action syndicale. Ce point de départ ne se découvre pas de lui-même, il ne se proclame pas, et souvent on ne le voit pas. Mais si il y a un effort à porter, c'est bien sur celui de l'origine d'une action syndicale, c'est là qu'il y a un travail d'information, de compréhension, de remise en question; et ce n'est surement pas en agressant les collègues avec les valeurs du syndicat qu'on peut y arriver. Je dirais donc à l'inverse du formateur, pour agir syndicalement, ce qu'il faut absolument : c'est un point de départ. Et ce point n'est pas donné comme il semble le croire, il faut travailler pour l'avoir. C'est un travail qui n'est pas compris et qui n'est pas fait par les syndicats.  

Pour structurer le travail des facteurs, la Poste utilise une méthode. J'en parle un peu au formateur; il connaît bien la Poste. La méthode de réorganisation  de la Poste est fondée sur l'organisation scientifique du travail. L'organisation scientifique du travail, est une méthode inventée par Willems frédérik Taylor, un ingénieur américain de la fin du dix neuvième siècle et du début du vingtième. C'est un type d'organisation rigide qui désigne à chacun par le menu détail, les tâches qu'il doit accomplir et le temps dont il dispose pour les accomplir. Ce système met effectivement l'individu sous un régime de paiement qu'on appelle :"à la tâche'', même si légalement on est payé de l'heure.

 Donc des individus de la direction viennent de temps à autre faire des "comptages", c'est à dire, qu'il comptent sur les quartiers, le nombre de lettres distribuées par chaque facteur, le nombre de boîtes aux lettres, les distances parcourues par le facteurs. Puis par un logiciel, ils en déduisent le temps de tournée. Cette méthode ne permet pas d'évaluer précisemment la quantité de travail. En effet, elle ne tient pas compte de la pente des trottoirs, de leur largeurs, de leur revêtements, de leur encombrement, de l'état des bôites aux lettres; n'est pas compté le temps perdu lorsqu'il neige ou qu'il fait du verglas, lorsque le courrier nous arrive en retard du centre de tri, le temps perdu lorsqu'on nous donne les recommandés en retard n'est pas compté, le temps consacré aux réunion non plus, si il y des travaux sur notre tournée, ce n'est pas compté non plus, etc... La direction ne l'applique pas de façon rigoureuse, car il faudrait plusieurs personnes différentes, qui viennent à des jours différents pour faire ces comptages. En effet les individus qui font ce comptage ne sont pas toujours sérieux, et la quantitié de courrier varie beaucoup d'un jours à l'autre; de ce fait la direction ne cerne pas avec précision la quantité réelle de travail que produit le facteur.  Cette méthode n'est pas lisible, une fois le comptage fait; on ne peut pas la contester, on se retrouve avec le nombre de rue que la direction a décidé. Cette méthode que la direction présente comme sûr, fiable, précise, incontestable et que les syndicats cautionnent, n'est rien de tout ça dans la réalité.

Lorsqu'on est titulaire d'un quartier, après une réorganisation, on se retrouve, lorsqu'on est facteur, avec une quantité de travail en moins ou en plus, sans qu'on puisse opposer une quelconque réclamation, puisque lorsqu'on s'adresse à un syndicat quelconque, ils répondent qu'ils n'ont pas le temps de refaire un comptage contradictoire avec un agent de la direction. Lorsqu'on a trop de travail, et qu'on réclame aux syndicats le paiement des heures supplémentaires, ceux-ci refusent de faire quoi que ce soit, puis la méthode est "scientifique" pour eux; et la direction nous répond qu'on travaille trop lentement, puisque la méthode d'organisation est infaillible. Ce système injuste n'est même pas cohérent, puisque personne n'a été selectionné et titularisé pour travailler à une vitesse standard, que la direction est d'ailleurs, incapable d'évaluer avec précision. Ainsi dans le bureau où je travaille, on est tous sensé finir notre travail à 13 heures; de fait pendant que certains finissent à 11 heures, d'autres finissent à 15 heures.

Le paiement à la tâche est interdite dans la plupart des entreprises en France et dans le monde. Elle ne se pratique que dans le travail à la chaîne, dans les pays sous-développés et à la Poste. L'organisation scientifique du travail est peu efficace économiquement sauf dans le travail à la chaîne. Ce qu'elle produit surtout, c'est de l'autorité pour les dirigeants qui l'utilisent. Pour les employés qui la subissent, c'est dur psychologiquement et physiquement, elle produit absentéisme, maladie, démobilisation et grèves. Au niveau de la production, l'organisation scientifique du travail produit, surtout si elle n'est pas appliqué rigoureusement(ce qui est le cas à Laposte) une faible qualité de service, et la perte de confiance de ses employés et de ses clients.

Brièvement, je demande au formateur pourquoi les syndicats s'obstinent à défendre cette méthode de travail, alors qu'il est possible de faire autrement. On peut découper des tournées en ayant pour résultat que chaque titulaire de tournée, ait le temps de faire sa tournée pendant le temps légal de travail. Ainsi on crée un droit opposable au découpage arbitraire de la direction. Car il est important que chaque facteur puisse travailler à la vitesse qui lui est propre. Aucune formation n'est dispensé dans l'entreprise pour améliorer la vitesse de travail, aucune évaluation de la vitesse de travail du facteur n'est faite par la direction, aucun reclassement ou reconversion n'est proposé à un facteur qui pourrait être identifié comme lent. Pour ma part, je dépasse mon temps de travail d'une centaine d'heure par an, ce nombre est en augmentation; c'est un travail qui n'est pas rémunéré ou compensé par des congés. Si je vais me plaindre à n'importe quel syndicat, il me répondra qu'il ne peut rien faire; si je vais voir la direction, elle me répond que je ne travaille pas assez vite. Il en est de même pour de nombreux collègues dans mon cas. Or personne dans cette entreprise n'a été formé pour travailler à une vitesse que nos directeurs sont incapables de mesurer avec précision. Le discours de la direction est donc un discours creux, humiliant et décourageant pour le facteur, pas efficace économiquement.

J'aime à penser comme certain philosophe sur la définition de l'individu, que un individu tient dans le degré d'harmonie entre son corps et son esprit. Lorsque je n'arrive pas à faire mon travail dans les temps, je m'entends dire par la direction que je suis trop lent, ainsi ai-je le choix : ou bien je dépasse mon temps de travail et je me malmène mon esprit en me disant que je suis trop lent, et donc que je ne suis pas un bon facteur; ou bien je travail plus vite, et je malmène mon corps, qui répond par des tendinites et de la douleur. Dans les deux cas, l'harmonie entre mon corps et mon esprit n'est plus. C'est une démarche destructurant pour l'individu.

Le formateur me répond en disant que je suis trop technique. Par là, il veut dire que ce qu'il faut réclamer, d'un point de vu syndicale, c'est des emplois. Or réclamer des emplois, c'est faire de la politique industrielle, pas du syndicalisme. Pour le formateur, comme pour les autres permanents syndicaux, faire du syndicalisme, c'est d'abord empêcher l'entreprise de faire des profits, d'être compétitive. Et s'il faut sacrifier les facteurs pour ça, ils n'hésitent pas à le faire. Ils le font si bien que lorsque Laposte doit fermer un bureau surnuméraire, ils s'opposent fermement à ce que les facteurs ne touchent aucune indemnité, pour déménager, pour se former à un autre métier, ou pour quitter l'entreprise. En effet, ce serait pour les syndicats, aider l'entreprise à gagner de l'argent. Ils poussent donc les facteurs à faire grève; et le résultat c'est que : après de longues grèves, les employés ne reçoivent aucune indémnité, doivent changer de bureau, et parfois changer de qualification sans formation. Ils se sentent trahis par les syndicats, et ne leur font pas confiance; deviennent aigris, déprimés, et abusent lorsqu'ils le peuvent de congés maladie.

Comme Diogène, qui, au milieu même de la cité cherchait un homme, je peux dire que moi, au milieu même d'un syndicat, je cherche un syndicaliste. De cette situation, bien qu'elle soit calamiteuse, je ne me limiterai pas à m'en désoler. En effet, lorsque je suis au travail et que je vais voir mes collègues pour leur parler de syndicalisme, ils m'écoutent; et c'est bien normal, puisque je suis le seul à faire du syndicaliste dans ce bureau. C'est si vrai que les syndicats qui envoyaient régulièrement des permanents syndicaux faire de longs discours publics et enflammés devant mes collègues facteurs, pour les mettre en grève; ne passent plus que rarement et discrètement, pour sérrer furtivement quelques mains.