Modestes et admiratifs
La dernière affaire en date beaucoup discutée sur les médias, concerne la mort d'un homme qui participait à la fête de la musique, Steve Caniço. Cet homme est mort suite à l'intervention des forces de police dans une boîte de nuit nantaise; elle a ému toute la France. Cette homme n'a commis aucune violence, aucune faute, il était juste venu se divertir, partager un moment de joie et de plaisir avec des amis.
L'enquête administrative a conclu sans surprise que les forces de police n'ont fait aucune faute : les fonctionnaires chargés de l'évaluation et les politiciens au pouvoir en ont fait un exercice d'auto justification et d'innocence, dont on a la malheureuse habitude en France. Fort heureusement, ce discours irresponsable et mensonger des autorités politiques et administratives a provoqué des débats dans les médias. On peut légitimement se féliciter du travail des journalistes sur le sujet. On peut aussi se consoler par la mobilisation de soutien par la population, que sa fin tragique a suscitée. Cet événement doublement tragique, qui à une faute concrète de l'état (la mort d'un homme), se rajoute une faute morale(son auto-absolution), prive chaque français de son existence politique. Chaque français se sent concerné, car on lui rappelle ainsi, qu'il peut être (sans avec commis aucune faute) tué par l'état, sans que ce même état soit inquiété ou jugé d'une quelconque façon.
Ce comportement pervers de l'état est habituel. Chaque français sait que l'état français récidivera. On a tous à l'esprit l'innocence administrative et politique choquante de François de Rugy, de Benalla, les morts par les algues vertes en Bretagne, dont les enquêtes administratives n'aboutissent pas, le nuage de Tchernobyl, qui a survolé tous les pays du monde sauf la France.
Ce légal washing; qui consiste pour les fonctionnaires haut placés français et les politiciens au gouvernement, à mentir comme des arracheurs de dents pour innocenter le gouvernement et l'état. Ce légal washing qui consiste à nommer des commission d'enquête ou d'experts qui n'ont pour seule compétence que d'être amis ,complaisants ou serviles vis à vis de l'administration et du gouvernement français est une activité ancienne en France. C'est une activité qui ne connaît aucune frontière idéologique. Tous les partis politiques français, toutes les administrations françaises, pratiquent ce mode de management. On partage ce mode de gouvernance avec de nombreux pays autoritaires comme la Russie, la Turquie ou la Chine, ainsi que de nombreux pays sous-développés.
On a tous en tête le saccage des permanences des députés de la majorité. Faute pour les citoyens d'être traité comme des citoyens, ils se comportent comme des bêtes.
Sans surprise, aucun des élus que j'ai pu entendre sur les médias n'a fait un quelconque discours sur l'intérêt de voter des lois sur la transparence des décisions, sur l'accès aux informations administratives par les citoyens. Aucun parti politique n'a déclaré la nécessité d'une loi ou d'un programme pour changer ces mauvaises habitudes de gouvernance.
Chaque élu que j'ai entendu, s'est exprimé, la main sur le cœur, pour dire qu'il ne sera jamais comme ça, et donc qu'il est inutile de voter une loi, qu'il suffit de voter pour le bon parti, le sien bien sûr. Des habitudes politiques et administratives qui humilient les français dans leur pays, qui les ridiculisent à l'étranger.
Devant ces abus de pouvoir les citoyens adoptent un comportement miroir : non respect de leurs élites, des lois, des fonctionnaires, des élus. Le saccage des permanences des députés n'est pas anodin, il ne découle pas d'une quelconque folie, ou d'un quelconque excès d'un peuple violent ou idiot, mais d'une colère mimétique. Les débats médiatiques sur la violence dont les élus locaux font l'objet après la mort d'un Maire pendant l'exercice de ses fonction en est une autre illustration.
Cette pensée, pose que la violence morale de l'élite serait bonne et nécessaire. Cette attitude politique mortifère, triste et inefficace voudrait faire croire qu'elle est porteuse d'une vitalité, d'une volonté, d'une efficacité et d'une singularité. Suivant cette idée, l'abus de position de l'élite sur le citoyen mettrait un peuple fainéant, désordonné, indécis, dans de bonnes dispositions pour occuper sa place subalterne, obéissante à une élite surdouée, seule capable de pacifier un peuple porté à la division et à l'oisiveté. Cette élite, qui seule serait capable d'insuffler à ce peuple trop modeste, une ambition digne d'une France brillante, une France qui serait un modèle pour le monde entier.
Le citoyen ordinaire devient ainsi dans ce langage, la "vraie France" comme parfois certains élus aiment le dire pour parler des français, comme on jette une aumône à un pauvre. Ainsi le citoyen français, privé institutionnellement de son intelligence, est-il sommé de jouer les figurants chagrins de cette mauvaise farce. Chaque modeste français se voit attribuer le droit ou devoir de ressembler ou d'admirer les premiers de cordées, élus inspirés et autres start-uppers géniaux.