Un budget discutable
On a vu javier Milei avec sa tronçonneuse, maintenant c'est Elon Musk avec son équipe "Doge", se vanter de virer brutalement, quantité de fonctionnaires. Ces deux pays ont en commun avec la France, d'avoir une classe politique qui refuse de voter les impôts permettant de présenter un budget à l'équilibre, tout en refusant aussi d'examiner les conditions d'une gestion efficace des actions publiques. Par ce comportement inconséquent, les élites amènent leur pays tout entier à dépendre dangereusement des marchés financiers qui évaluent leur capacité et leur volonté à rembourser ces dettes colossales en perpétuelle augmentation. Je n'ai pas le courage de commenter le désastre des dépenses nationales, je me contenterai de parler de ce que je connais mieux et qui est plus court à présenter: les finances municipales.
Je parcours un des articles de la presse locale qui commente les évolution budgétaires de la commune où je réside. De 2018 à 2023 les dépenses de personnels de mon village ont augmenté de 50 % et elles sont de 22 % supérieur à la moyenne nationale des municipalités. J'avais noté en 2014, une hausse de 150 % des dépenses de personnel, sur les 12 années précédentes. J'ai souvenir d'un voyage en Allemagne, où dans un village 2 fois plus grand, il y avait un nombre comparable de fonctionnaires. Cette impression est confirmée par la lecture du rapport de l'Ifrap, disponible librement sur internet.
Aucun indice d'efficacité n'est mesuré. Pas un parti politique n'a dans son programme, une loi ou un encadrement des dépenses municipales pour éviter les abus, incompétences et dérives financières. Sans avoir besoin de consulter un quelconque expert-comptable ou cabinet d'audit, il est facile d'établir que les municipalités françaises sont mal gérées.
Ainsi, notre commune finance un camping déficitaire depuis sa création. Il est situé en face d'une usine maintenant désaffectée, mais dont certains bâtiments sont encore debout. Il est au bord d'une départementale où de nombreux semi-remorques passent régulièrement, et bruyamment. L'espace intérieur est taillé comme un jardin à la française, il n'y a donc peu d'ombre et aucune intimité pour les campeurs qui viennent en famille. Pour autant, il ne dispose pas d'un espace collectif ouvert et vaste, qu'on trouve souvent dans les campings pour les groupes ou les campeurs seuls, qui ne redoutent pas la promiscuité. Situé au bord d'une rivière, il n'y a aucun chemin qui permet de s'y promener. Il est situé en zone inondable et il n'est pas relié au village par aucune piste cyclable. Inutile de préciser qu'il est quasi vide même en pleine saison. Et bien sûr, personne au conseil municipal, ne songe à le fermer, ni ne discute des dépenses systématiques et inutiles qu'il engendre. Par ailleurs un des villages voisins dispose d'un camping qui possède toutes les bonnes caractéristiques, et fait le plein de campeur chaque été sans perdre d'argent.
La commune dispose d'un centre de loisir qui est utilisé pour des colonies de vacances d'enfants qui ne sont pas du village. Il n'apporte aucun avantage, juste des dépenses.
Nous disposons aussi d'une piscine, qui n'est utilisé que par peu de villageois; il y a par ailleurs, d'autres piscines dans les villages environnants, et des lacs pour la baignade estivale.
D'autres dépenses, comme un rond-point qui remplace un carrefour qui ne présentait aucun danger, ou la réfection complète d'une rue, qui était dans un état acceptable. La construction d'une gendarmerie neuve, alors que la direction a annoncé qu'elle regrouperait ses agents dans un autre village, se rajoutent régulièrement. Et toutes ces dépenses se font avec l'aide financière bienveillante, du département, de la région, et de la nation.
Par ailleurs, les entreprises autrefois nombreuses dans le village, ferment les unes après les autres, et donc les recettes fiscales qu'elles généraient diminuent progressivement.
C'est ainsi que depuis la loi de décentralisation, les impôts et les dettes augmentent, sans que les services municipaux profitent plus à la population. Je n'ai vu ni entendu, aucune intervention municipale sur le sujet de la pertinence des dépenses engagées, de leur utilité, ou du danger du surendettement ou de l'augmentation des impôts qui en résulterait. Je n'ai eu aucun écho d'une tel débat au niveau du département, ou de la région. Je n'ai lu nulle part, aucun compte rendu ou évaluation sur cette dérive. Au niveau de la nation, chacun peut constater le niveau du débat navrant, qui ne débouche que sur des décisions cosmétiques, dogmatiques ou catastrophiques.
Ainsi, nos premiers de cordée arrivent à ce tour de force : avoir le taux de prélèvement obligatoire le plus élevé du monde tout en ayant un des déficit public les élevés du monde, sans avoir des services publiques satisfaisants.
D'aucuns auraient pu penser que la guerre menée par le Kremlin, et les dépenses qu'elle exige pour assurer notre sécurité serait une motivation pour enfin bien gérer les dépenses publiques. Il est facile et triste de constater qu'il n'en est rien.
On est donc dans le cas d'une classe politique qui utilise l'argent public, comme les aristocrates du 18-ème siècle, sur le mode de : "on flambe l'argent public pour en mettre plein la vue aux autres". A l'image de l'adjointe au Maire de mon village, qui en 2016, à propos d'une dépense tout à fait inutile( pavage d'un carrefour en remplacement du goudron), avait argumenté en disant : "Ce n'est pas beaucoup d'argent dépensé: le département, la région, et l'état en mettent chacun autant ". Les dépenses somptuaires, c'est chouette ! Depuis, elle est passée Maire et cumule deux autres mandats, et a réussi à augmenter fortement les dépenses du village pour sa plus grande joie. Tout récemment et dans la précipitation, après avoir fait des efforts insignifiants de gestion et d'économies, qu'elle proclame importants, elle annonce tranquillement que les dépenses grâce à ça, continueront d'être aussi conséquentes, et par une opération de vocabulaire, transforme les dépenses excessives en "niveau de service public supérieur"(Ouest-France du lundi 03 mars).
Les dépenses qui seraient bénéfiques pour le village, seraient la construction d'un périphérique, et d'un nouveau pont sur la rivière, car le pont est vieux, nous sommes au carrefour de deux routes départementales avec une forte circulation, et le vieux village a été bâti avec des pierres extraites sous le centre ville. C'est ainsi que les vibrations des camions, effondrent occasionnellement une maison, une rue ou un jardin. Bien évidemment, il n'y pas, et il n'y aura pas d'argent pour cet ouvrage pourtant bien utile, sauf à se surendetter, tout en supprimant des services collectifs essentiels en plus d'augmenter les prélèvements déjà trop élevés. Proposition qui, j'en suis persuadé, ne manquera pas d'être évoqué un jour ou l'autre.
Lorsque j'en discute autour de moi, la même réponse me parvient invariablement : les autres municipalités, c'est pareil. Ce mélange de fatalisme et de conformisme, est la tarte à la crème de ceux qui considèrent la sociabilité comme base de la construction collective d'action et de vie. C'est ainsi que chacun flanque aux ordures la citoyenneté, la coopération, la concertation, la participation, la responsabilité collective, et vive les apparences, les amis et la grégarité !
Je vous invite à suivre les démonstrations de l'association Anticor, qui vous explique très simplement la distinction entre corruption, abus de pouvoir, emploi fictif, abus de bien sociaux, détournement de fonds, prise illégale d'intérêt, délit d'initié, collusion d'intérêt, incompétence et bien sûr concussion. Une distinction qui est un préalable pour juger de l'importance destructrice de ce type d'attitude des premiers de cordée pour la société. Le manque de transparence et de débats dans nos institutions politiques et administratives est un autre élément clés de cette dérive pitoyable. La troisième étant l'impossibilité pour les citoyens d'évaluer, de proposer, d'imposer, de modifier, enfin bref de participer à aucune décision ni au processus qui les fait advenir. Chacun étant réduit à désigner des élus, dont il devient rapidement l'otage, ou à manifester sans souvent d'autres effet que de gêner les autres citoyens. La quatrième est le nombre invraisemblable de communes. Pour mémoire, la France toute seule a autant de communes que l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et l'Angleterre réunis.
A ce point de laisser aller, je ne qualifierais pas cette situation de liberté, mais plutôt d'abandon, d'anarchie ou de chaos. Et c'est ainsi que personne dans ce pays n'est capable ou n'a l'envie d'exiger de la pertinence dans les dépenses publiques. On a donc des premiers de cordées, obsédés par leur réussite personnelle, qui mènent ce pays à la ruine économique et à une médiocrité politique dangereuse pour l'avenir. Chacun cultive la crainte de l'avenir, en se croyant lucide puisque pessimiste et innocent parce que complice. Muni d'une 5ème république dont les principes sont tout droit sortis du 19ème siècle, nous nous dirigeons peureusement et à reculons vers le 22ème siècle, tout en se lamentant d'une grandeur passée, et à jamais révolue.