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démocratie directe - Page 5

  • Modestes et admiratifs

    La dernière affaire en date beaucoup discutée sur les médias, concerne la mort d'un homme qui participait à la fête de la musique, Steve Caniço. Cet homme est mort suite à l'intervention des forces de police dans une boîte de nuit nantaise; elle a ému toute la France. Cette homme n'a commis aucune violence, aucune faute, il était juste venu se divertir, partager un moment de joie et de plaisir avec des amis. 

    L'enquête administrative a conclu sans surprise que les forces de police n'ont fait aucune faute :  les fonctionnaires chargés de l'évaluation et les politiciens au pouvoir en ont fait un exercice d'auto justification et d'innocence, dont on a la malheureuse habitude en France. Fort heureusement, ce discours irresponsable et mensonger des autorités politiques et administratives a provoqué des débats dans les médias. On peut légitimement se féliciter du travail des journalistes sur le sujet. On peut aussi se consoler par la mobilisation de soutien par la population, que sa fin tragique a suscitée.  Cet événement doublement tragique, qui à une faute concrète de l'état (la mort d'un homme), se rajoute une faute morale(son auto-absolution), prive chaque français de son existence politique. Chaque français se sent concerné, car on lui rappelle ainsi, qu'il peut être (sans avec commis aucune faute) tué par l'état, sans que ce même état soit inquiété ou jugé d'une quelconque façon.

    Ce comportement pervers de l'état est habituel. Chaque français sait que l'état français récidivera. On a tous à l'esprit l'innocence administrative et politique choquante de François de Rugy, de Benalla, les morts par les algues vertes en Bretagne, dont les enquêtes administratives n'aboutissent pas, le nuage de Tchernobyl, qui a survolé tous les pays du monde sauf la France.

    Ce légal washing; qui consiste pour les fonctionnaires haut placés français et les politiciens au gouvernement, à mentir comme des arracheurs de dents pour innocenter le gouvernement et l'état. Ce légal washing qui consiste à nommer des commission d'enquête ou d'experts qui n'ont pour seule compétence que d'être amis ,complaisants ou serviles vis à vis de l'administration et du gouvernement français est une activité ancienne en France. C'est une activité qui ne connaît aucune frontière idéologique. Tous les partis politiques français, toutes les administrations françaises, pratiquent ce mode de management. On partage ce mode de gouvernance avec de nombreux pays autoritaires comme la Russie, la Turquie ou la Chine, ainsi que de nombreux pays sous-développés.

    On a tous en tête le saccage des permanences des députés de la majorité. Faute pour les citoyens d'être traité comme des citoyens, ils se comportent comme des bêtes.

    Sans surprise, aucun des élus que j'ai pu entendre sur les médias n'a fait un quelconque discours sur l'intérêt de voter des lois sur la transparence des décisions, sur l'accès aux informations administratives par les citoyens. Aucun parti politique n'a déclaré la nécessité d'une loi ou d'un programme pour changer ces mauvaises habitudes de gouvernance.

    Chaque élu que j'ai entendu, s'est exprimé, la main sur le cœur, pour dire qu'il ne sera jamais comme ça, et donc qu'il est inutile de voter une loi, qu'il suffit de voter pour le bon parti, le sien bien sûr. Des habitudes politiques et administratives qui humilient les français dans leur pays, qui les ridiculisent à l'étranger.

    Devant ces abus de pouvoir les citoyens adoptent un comportement miroir : non respect de leurs élites, des lois, des fonctionnaires, des élus. Le saccage des permanences des députés n'est pas anodin, il ne découle pas d'une quelconque folie, ou d'un quelconque excès d'un peuple violent ou idiot, mais d'une colère mimétique. Les débats médiatiques sur la violence dont les élus locaux font l'objet après la mort d'un Maire pendant l'exercice de ses fonction en est une autre illustration.

    Cette pensée, pose que la violence morale de l'élite serait bonne et nécessaire. Cette attitude politique mortifère, triste et inefficace voudrait faire croire qu'elle est porteuse d'une vitalité, d'une volonté, d'une efficacité et d'une singularité. Suivant cette idée, l'abus de position de l'élite sur le citoyen mettrait un peuple fainéant, désordonné, indécis, dans de bonnes dispositions pour occuper sa place subalterne, obéissante à une élite surdouée, seule capable de pacifier un peuple porté à la division et à l'oisiveté. Cette élite, qui seule serait capable d'insuffler à ce peuple trop modeste, une ambition digne d'une France brillante, une France qui serait un modèle pour le monde entier.

    Le citoyen ordinaire devient ainsi dans ce langage, la "vraie France" comme parfois certains élus aiment le dire pour parler des français, comme on jette une aumône à un pauvre. Ainsi le citoyen français, privé institutionnellement de son intelligence,  est-il sommé de jouer les figurants chagrins de cette mauvaise farce. Chaque modeste français se voit attribuer le droit ou devoir de ressembler ou d'admirer les premiers de cordées, élus inspirés et autres start-uppers géniaux.  

     

  • On va débattre !

    En ces temps de débat national, ou plutôt d'allure de débat, puisqu'on ne voit que des élus de la république faisant des one man show devant des publics sélectionnés pour le spectacle, j'attends le débat dans mon village. Toutefois, avant de me rendre à la réunion, je me prépare un peu en lisant le journal local. La Maire du village où j'habite annonce qu'elle se représentera. Je lis l'article, et dans le contexte actuel d'une présidence et d'un gouvernement hors sol, qui méprise les français et qui méprise aussi les élus locaux, je cherche dans cet article les indices d'un état d'esprit différent, d'une réaction salutaire pour les villageois, d'un élan, d'une société épanouissante. Si la France est malheureuse, si elle est divisée en une partie méprisante et une autre en colère; peut être en est il autrement à l'échelle locale, peut-être règne-t-il ici, une paix, un bonheur de vivre ensemble ?

    Dans cet article, elle présente la fonction de Maire comme la direction d'une entreprise, en précisant les initiatives qu'elle a  prises, les contacts qu'elle a engagés, les projets qu'elle entreprend, les investissements qu'elle prévoit pour le village. Finalement, dans son programme, dans son travail actuel de Maire, il n'y a qu'une somme de décisions à prendre pour le bien commun : "le Maire devient un chef d'entreprise avec des compétences les plus pointues. Il doit s'entourer de techniciens dans un budget en baisse" déclare-elle doctement . Je savais depuis plus d'un an que je vivais dans une start up nation; maintenant je sais que je vis aussi dans un start up village...chouette !.

    Elle décrit ses conditions de travail parfois pénibles et prenantes; toujours passionnantes, et par conséquent : "Si on veut faire son travail correctement, on doit le faire à plein temps" déclare-elle au journaliste...Tout en ajoutant qu'elle assume en plus de son mandat de Maire, un mandat de vice président de la communauté de commune et de conseillère régionale. Elle précise qu'elle est obligé de cumuler les mandats pour s'en sortir financièrement.

    Moi je gagne à peu près le salaire qu'elle touche en tant que Maire, et je ne cumule pas avec deux autres emplois à plein temps. J'entends dans les médias les journalistes ou politiciens parler du fossé entre la France d'en haut et la France d'en bas, mais que ce problème n'existerait pas au niveau des communes, parce que les Maires seraient proches des citoyens contrairement aux élus nationaux...La Maire du village habite à 50 mètres de chez moi, et je la croise régulièrement dans la rue, mais ça se limite à ça en terme de proximité.  

    Chacun sait que chaque français a depuis plus d'un an, un président jupitérien, un gouvernement hors sol, des élus de haut niveaux déconnectés de la réalité. Mais qu'en est-il au niveau de ma commune ? Si j'en crois les médias, mon village est un paradis où tout le monde se parlerait; ce serait concertation tout azimut, la fraternité régnerait, la proximité tenant lieu de ciment.

    Dans cette interview la Maire explique la vie politique actuelle et futur du village. J'ai compté dans le texte 11 fois le mot "je", 29 fois le mot "on". Dans ce même article, pourtant suffisamment long, il y a zéro fois les mots suivants : élu, adjoint, conseiller municipal, employé municipal, électeur, citoyen, reconnaissance, bénévole, relation, confiance, concertation, retissant, responsabilité, impôt, ensemble, adhésion, enthousiasme, majorité, participation, conviction, dialogue, échange(liste non exhaustive). La réalité de la politique locale, et des élus locaux est bien triste : juste une mini Jupiter pour gouverner le village ! Pour gouverner, mais gouverner qui ? Car tout dans son discours indique qu'elle est hors sol. Elle ne semble pas vivre au milieu des villageois, sauf pour leur dire qu'ils pensent mal :" je ne m'étais pas rendu compte de l'image négative qu'avait les Ludois de leur ville. On doit en être fier" dit-elle au journaliste avec aplomb. Lorsque je lis l'article; il semble évident que la ville où j'habite est la ville du Maire, voir de quelques personnes de plus :"j'ai une bonne équipe derrière moi" déclare-t-elle. Là, à ce point de mon texte, J'ai cité les deux seules phrases de l'article pourtant assez long, où il y est question d'autres personnes du village que d'elle même.

    De même que la France semble le pays du président et d'une poignée de premiers de cordée, les élus locaux qui sont certes bien en dessous du président, mais tellement au dessus de leurs voisins, qu'ils peuvent sans réaction aucune parler le même langage jupitérien, tout en étant considérés comme proches de leurs voisins.

    Finalement j'ai compris en quoi consistait le grand débat national : c'est un monologue tenu par une élite hyperactive et méprisante qui consiste à énoncer toutes les décisions qu'elle a pris et celles qu'elle prévoit, pour le bien commun. Langage dans lequel on doit constater à quel point cette élite est vaillante, fière d'elle-même, audacieuse, efficace, volontaire. En plus elle est sensible et intelligente, voyez vous même : la Maire déplore avec tristesse le manque d'enthousiasme, voir l'incompréhension de la population ! 

    Un jour, j'écoutais sur un média, le comédien Richard Bohringer expliquer ce qu'il aimait et trouvait en Afrique : c'est le lieu où à tout moment le tragique côtoie le comique. Moi j'ai pas besoin d'aller ailleurs pour voir au quotidien le tragique côtoyer le comique, il me suffit de m’intéresser à la politique locale ou nationale. Et c'est comme ça que j'ai écrit cet article, avec une double envie : celle de pleurer, et celle de rire  .

  • Secret des affaires

    La loi sur le secret des affaires est la dernière loi qui fait polémique. Le parlement français entérine une loi votée au parlement européen. 

    Sur les articles que j'ai pu lire ou entendre, il y est question de restriction de liberté pour les journalistes, les lanceurs d'alerte ou les associations écologiques ou de consommateurs. Il y a une réelle inquiétude, bien médiatisée : Je la partage. J'y vois moi aussi une atteinte à la liberté d'expression. Et je ne crois pas que ce soit en muselant les gens, en les empêchant de parler qu'on crée une société où il y fait bon vivre. Le but de cette loi est de rendre la vie plus confortable à une élite économique et politique, elle est discriminatoire, elle produira ses effets aux dépends des citoyens.

    La deuxième chose que je trouve ce sont des lettres ouvertes de personnalités plus ou moins connues qui demandent au président de la république de ne pas faire voter cette loi. Écrites sur un ton implorant, elles visent à émouvoir, à raisonner le chef de l'état. J'ai le sentiment en les lisant; de voir un groupe de serviteurs qui s'agenouille devant un monarque. C'est se rabaisser que d'écrire cette prose, c'est humilier les français que de les inviter à se courber ainsi devant une personne, et c'est consacrer au chef de l'état l'autorité suprême qu'il convoite. Je trouve cette attitude déplacée et choquante. J'invite chacun à relire ce court texte de La Boétie sur la servitude volontaire.

    En troisième je trouve une opposition qui vote contre...mais qui ne propose rien d'autre en contrepartie ! La France fait partie de l'Europe, il n'y a pas à le déplorer même quand une mauvaise loi a été voté; mais il ne suffit pas de voter contre. Pour qu'il y ait action politique il faut proposer des valeurs aux citoyens qui pourraient faire consensus à l'avenir. Le fait d'être contre une loi, ne produit pas une valeur, une opinion susceptible de structurer la société. C'est une loi du pouvoir qui n'a que le pouvoir pour fin. C'est un pouvoir qui se regarde dans le miroir en admirant ses muscles. Cette loi pousse les élites a plus de narcissisme, à plus de mépris pour les citoyens; et les citoyens à plus de dévalorisation d'eux-mêmes. Elle ne peut que renforcer les citoyens dans la méfiance, la soumission, le pessimisme, la colère : cette loi fracture plus profondément la société qu'elle ne l'est déjà. 

    Lorsque j'écoute les gens, j'ai le sentiment que la politique en France se limite à une somme de décisions administratives ou économiques, patinée par une communication plus ou moins bluffante et d'intérêts stratégiques. Cette vision technocratique et jacobine ne me satisfait pas.  

    Le premier argument à valoriser me semble être économique. Cette loi pour favoriser le secret des affaires : de combien d'emplois on parle ? Pour ce que je connais de la politique et de l'économie, c'est l'Amérique qui a le droit sur le secret des affaires le plus ancien et le plus sévère. L'Amérique est depuis plusieurs décennies, l'économie la plus déficitaire de la planète. Comment croire qu'une telle loi serait efficace ? Je n'ai ni entendu ni lu aucun économiste, qui visiblement n'ont pas été ni consultés ni écoutés. Il n'y a eu aucun débat sur son efficacité, ni sur une évaluation postérieure.

    L'argument politique, qui semble le plus consistant c'est celui d'une collusion entre les élites politiques françaises et européennes et le monde des grandes entreprises. La contre proposition serait de développer une politique de la transparence : exiger que les politiciens européens et français rendent des comptes plus précis sur les activités, leurs liens personnels familiaux, amicaux avec le monde des entreprises.

    Qui dit secret dit irresponsabilité. Il il faut que les citoyens puissent juger les élites. Il faut interdire que d'anciens haut fonctionnaire et politiciens français ou européens se reconvertissent dans les affaires en profitant de leur réseaux de relations. Cette loi sur le secret des affaires marque un mépris évident de la classe politique européenne et française pour les citoyens.

    Ce qui m'inquiète, ce qui me semble important ou ce qui m'excite en politique; ce n'est pas le nombre ou l'importance des manifestations; ce n'est pas le score aux élections; toutes choses qui sont abondamment commentées. Ce qui m’intéresse, ce qui m'inspire, ce qui me fait vibrer; c'est le silence, l'apathie, l’absence de réflexion, de discours et de réaction des français ou de leurs élites. Ce silence me dit plus que le bruit publique que chacun peut faire. Une bonne politique est une politique qui réuni et renforce, pas une politique qui divise et affaibli la société.

    La violence morale, actuellement utilisée en politique, ne permet que de distinguer le premier du suivant; le plus fort du plus faible; elle ne fait pas société; elle est la négation même du vivre ensemble.